Mon cher Primož. En premier lieu, crois moi, je t’apprécie. Vraiment. Tu excelles dans l’art d’allier à la fois ce côté robotisé de la majorité des cyclistes modernes, qui calculent tout [trop], mais également un visage très humain qui, d’ailleurs, t’a joué trop souvent des Tours.
Lorsque, par exemple, tu as sombré durant le contre la montre final de la dernière Grande Boucle, casque dodelinant au-dessus d’un esprit brumeux, donnant à ton air de gendre idéal l’image d’un junior découvrant un matériel non-adapté. Un mois plus tôt, maillot de leader du Dauphiné sur le dos, tu abandonnes sur chute. En mars dernier, toujours tunique dorée tatouée sur ton torse à Paris-Nice, tu tâtes le bitume à deux reprises le dernier jour sur les routes de Saint-Martin du Var, voyant ton adversaire allemand te déposséder de ton bien. Alors oui, toi sauteur à ski dans ta Slovénie natale, tu es arrivé sur le tard à bicyclette. Pourtant, ton palmarès est déjà très fourni. Mais, en France, pays de l’actuel meilleur coureur du monde, Julian Alaphilippe, tu n’y arrives pas Primož.
Tout du moins, pas pour le moment et du haut de tes 31 printemps, tu vois peut-être d’un mauvais œil pour ton avenir l’avènement de ton jeune compatriote et dernier vainqueur du Tour, Tadej Pogacar, 22 ans. Et, presque honteux, je dois te le dire Primož, j’ai pesté ce matin car lorsque tu as pris le départ du Tour ce 26 juin, j’ai compris que tu venais de côcher sur ton calendrier un 18e jour de course en 2021. Seulement. On ne t’avais plus vu, dossard sur le dos, depuis le 25 avril sur la Doyenne, Liège Bastogne Liège. Tu as choisi, dépourvu de solution pour ne pas répéter les erreurs du passé, de ne calquer ta préparation que sur des stages et de l’entraînement. Souvent seul, face à toi-même, pour décrocher enfin le Graal.
Si dans trois semaines, la plus belle avenue du monde t’applaudit en jaune, n’ai crainte sur ma sincérité, je serai ravis pour toi. Mais les puristes, férus d’arranguer leurs champions tout au long de l’année, regretterons peut-être que la lumière du Tour, ton unique objectif de l’année, éteigne les lanternes des autres chemins Européens. Époque révolue où pour gagner l’épreuve reine, on ne lésinait pas sur de multiples apparitions.
Au terme de cette première étape bretonne, nous avons à nouveau constaté ta capacité à écouter parfaitement tes sensations, oubliant aux vestiaires ton goût du risque. Oui, tu as tenté d’aller chercher le champion du monde à deux kilomètres du but lorsque ce dernier est sorti du groupe de tête. Sentant que tu n’y parviendrai pas, tu as relâché ton effort, te replaçant dans les roues, suffisamment pour, au sprint, jeter ton vélo en troisième position et enrichir ta Madeleine de Proust : ta besace de bonifications. Tu as débuté ton travail de sape à l’instar du Petit Poucet qui pose ses pions. Rendez-vous dans 3217,6 kilomètres.
(Crédit photo : Noémie Morizet / Facebook)
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