Thomas, aprés l’agression du 4 mai dernier dont tu as été victime par le père de Bernard Tomic, comment as-tu pris contact avec les Bartoli ?
J’avais pour objectif d’aller à Roland Garros pour trouver du travail. Et puis, un jeudi matin, à l’aéroport, je passe devant un kiosque j’achète le journal L’Équipe. Quoi de plus banal. En le lisant, je tombe sur un article où Walter, le père de Marion, explique qu’il cherche une personne pour les aider dans la préparation de Marion. Quelques jours plus tard, j’étais à Roland Garros avec Walter et Marion Bartoli.
Comment se déroulent vos échanges ?
Nous dialoguons beaucoup. On parle souvent des sensations de Marion et de ce qu’elle veut travailler. On se sert de tout le travail effectué avec Walter et moi j’apporte des détails techniques. Je ne suis pas là pour tout chambouler. Je me base sur le travail de Walter. Si Marion en est là aujourd’hui c’est grâce à lui. Ce ne serait pas respectueux de ma part de tout faire à ma sauce. Même lorsque physiquement il n’est pas là à l’entraînement, on reste dans sa lignée et c’est normal.
« Elle progressait à vue d’oeil »
Après tes aventures tumultueuses avec les Tomic, comment te sens tu chez les Bartoli ?
J’ai été très surpris par la grande confiance qu’ils m’ont rapidement accordée. J’ai réellement mon mot à dire. On me demande clairement d’exprimer mes pensées. J’ai donc vite été rassuré sur mon rôle. Je suis arrivée dans un monde avec des personnes de bonne éducation. C’était beaucoup plus simple pour moi de m’adapter.
Quelle facette de Marion t’a le plus frappé ?
Elle travaille beaucoup. A Roland Garros elle était fatiguée car elle revenait d’une entorse. Sa fatigue était tout simplement la conséquence de beaucoup de travail pour retrouver son niveau. Elle a été éliminée assez tôt en seizièmes de finale mais nous savions qu’elle était sur la bonne voie et malgré la défaite nous étions confiants. Son niveau à l’entrainement a augmenté, même si on ne l’a pas toujours vu en match. Et puis la terre battue n’est pas sa surface de prédilection. Mais au quotidien, elle progressait à vue d’œil physiquement.
Et pendant Wimbledon, comment a évolué l’ambiance au sein de votre clan ?
Malgré les tours qui passaient, nous n’avons jamais changé notre état d’esprit et notre façon de travailler du premier au dernier match. Il y a eu cette hécatombe, on voyait les têtes de séries sauter les unes après les autres, mais nous sommes restés concentrés sur notre boulot. Malgré tout, même si on en parlait pas, nous avions tous conscience de l’occasion qui allait se présenter. Son niveau de jeu est allé crescendo et Marion a gardé le même état d’esprit, le même rythme.
Sa finale jouée en 2007 ici même à Wimbledon a été un avantage ?
Oui forcément. Ça aide pour surmonter la pression. Sabine Lisicki l’a moins bien géré en finale*. Marion a beaucoup plus d’expériences. Ce facteur a été très important et combiné à son énorme niveau de jeu, la victoire était au bout.
A qui peut-on comparer Marion ?
Je connaissais déjà la jeune femme sérieuse et rigoureuse. Mais en m’entraînant avec elle quotidiennement, je me suis vraiment rendu compte à quel point elle était pro. J’ai beaucoup côtoyé Nadal au Masters 1000 de Monte Carlo pendant les entraînements et c’est une petite Nadal au féminin. Une fois qu’elle a un pied dans la salle de gym, elle est très rigoureuse et c’est ce qui m’a le plus impressionné chez elle.
Son retour en Fed Cup cette année a joué dans sa réussite actuelle ?
Oui et elle adore cette ambiance de Fed Cup avec les copines. Kristina Mladenovic et Alizée Cornet sont venues la voir jouer. Et elle n’hésite pas, dès qu’elle le peut, à aller encourager ses copines. Le staff de Fed Cup a été très proche d’elle à Wimbledon. Cela est très bénéfique.
Pour Marion c’est une deuxième carrière qui commence avec son statut de n°7 mondiale ?
Oui car être tête de série une, deux ou trois à tous les tournois et avoir une bye aux Masters 1000 au premier tour ça change tout. Maintenant il faut qu’elle garde son niveau. C’est un cap à tenir.
Elle a également prouvé que les Français savent être au rendez vous le jour J…
Un jour, Yannick Noah a dit : « Les Français ne perdrent pas toujours en finale ». Et Marion l’a prouvé. C’est une grande championne. Elle a eu l’occasion de le faire et n’a pas raté son rendez-vous.
« Ca me tombe dessus (…) j’hallucine »
Et toi Thomas, tu viens de passer de l’enfer au paradis en quelle que sorte ?
Je suis aussi un peu entré dans l’histoire des coachs. Dès le début de ma collaboration avec une joueuse on gagne Wimbledon. Ce n’est pas arrivé souvent. Certains mettent une vie entière pour y parvenir. Et moi ça me tombe dessus dès le début : j’hallucine. Soit j’ai une bonne étoile, soit j’ai vraiment des compétences. Je ne suis pas du genre à mettre en avant mais c’est tout de même très gratifiant. Je vis le moment à fond et j’essaye de réaliser ce qu’on a fait avec Marion.
Une nouvelle vie commence pour toi…
Oui mais je ne me prends pas la tête. Samedi soir, après la finale, je n’avais qu’une envie c’était de retourner dans ma famille. Je ne changerais pas ça. Mais je suis conscient d’être mis en lumière grâce à la victoire de Marion. Il y a quelques semaines, le grand public m’a découvert avec des photos affichant mon nez cassé ** : la roue tourne.
* Lisicki a joué deux quarts de finale à Wimbledon (2009 et 2012) et une demi-finale (2011).
** Le 4 mai dernier, Drouet, alors sparring-partner du jeune et talentueux australien Bernard Tomic, a été agressé par le père de ce dernier.
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