Pour la deuxième fois en deux ans, Davor Brkljacic joue depuis novembre les pompiers de service sur le banc de la D2F de Cannes. Il évoque les limites du groupe et sa lassitude.
Davor, l’été dernier, Cannes a clairement annoncé son ambition de monter en LFH et rien d’autre. Mais, après deux mois de compétition, à peine, Raphaël Benedetto a été écarté…
Le Président a pris cette décision très tôt car l’équipe jouait la montée mais a perdu deux fois en six journées. Il y a eu cette défaite à domicile contre Mérignac (27-28) qui a fait très mal et quand on voit que Mérignac est aujourd’hui en bas de tableau (avant-dernier ; ndlr), on se dit qu’il y a un problème. Il y en avait un, mais d’autres aussi qu’on a pas vu tout de suite.
Le plus gros souci ?
Ce groupe a de la qualité c’est certain, mais il manque de rotations, cruellement. Et puis nous avons eu beaucoup de blessures et d’absences en janvier-février. Les filles sont usées, très fatiguées. Les matchs s’enchaînent et c’est de plus en plus difficile. Plus les années passent, plus tous les matchs sont compliqués et très physiques en D2F. On est dans une période sans relachement. Après la réception de Noisy-le-Grand ce samedi, on aura enfin un week-end de libre avant d’aller à Mérignac. C’est très compliqué.
Sans rentrer dans les détails, pour monter en LFH, il faut en début de saison, valider un cahier des charges très précis avec notamment le fait que l’entraîneur doit possèder certains diplômes, ce qui est le cas de Raphaël. Du coup, au cas où Cannes restait dans le coup pour le titre, il est resté un temps sur le banc, à vos côtés. Quelle était votre relation ?
Quand Raphaël était encore l’entraîneur, on va dire que j’étais un conseiller. Raphaël est un entraîneur très volontaire mais très jeune et des fois un peu trop jeune pour ce groupe. Je pense qu’il n’écoutait pas assez certaines filles à cause de son inexpérience. Quand j’ai repris le groupe, j’avais un peu plus de facilité pour ça. Les filles me respectent plus. J’avais une bonne relation avec Raphaël, j’étais à ses côtés, mais je ne me mêlais pas plus que ça de la vie du groupe. C’est lui qui prenait les décisions de faire jouer telle ou telle fille. C’est lui qui décidait.
« Raphaël venait simplement signer la feuille de match »
L’attitude de Raphaël par la suite ?
Raphaël a pris un coup au moral, mais aussi à sa fierté je pense. Il s’est absenté et venait simplement au match. Il ne disait rien. Il a été honnête, il me l’a dit, j’ai compris à 100%. Il s’est effacé et venait simplement signer la feuille de match.
C’est gênant de coacher une équipe en match officiel alors que Raphaël Benedetto en était l’entraîneur depuis un an et demi et qu’il était juste à côté de vous ?
Non. Je n’étais pas gêné : simplement concentré sur ma tâche. Raphaël était là pour des obligations. Je n’avais aucun souci par rapport à ça. Pour lui je pense que c’était dur vis à vis de sa fierté.
Comment se sont passées les semaines après votre intronisation ?
Avant la fin de l’année, on a certes battu Stella, Besançon et Brest, mais je savais que notre défi allait être physique au fil du temps avec des rotations compliquées : j’avais vu juste. On a souffert physiquement. On a gagné des matchs, mais souvent ric rac. Je le répète, plus le temps passe, plus on souffre. Il y a eu des absences et des blessures de joueuses cadres qui nous ont fait mal. Enchaîner les victoires est très compliqué. Récemment, on vient de perdre à Chambray et à Brest, deux équipes qui nous sont supérieures en rotation. On ne parvient pas à récupérer. Avec plus de repos, ça aurait été différent. On s’accroche.
Le club s’est-il trompé en annonçant aussi clairement vouloir monter l’été dernier ?
Le club est forcément déçu. On a une équipe de qualité, mais nous nous sommes trompés dans les rotations. Nous sommes beaucoup plus faibles que les autres. Et puis, des équipes comme Brest et Besançon ont un passé au niveau du haut niveau. Il y a beaucoup plus de moyens, tellement de spectateurs, un coin VIP incroyable. On ne peut pas comparer avec notre gymnase des Mûriers. Et, par rapport aux arbitres, le passé et l’histoire d’un club, ça joue. Cannes est encore très jeune. Et pour revenir à ce problème de rotation, nous avons huit excellentes filles, mais lorsque qu’il y a deux ou trois blessées, ça devient très vite compliqué. Le banc n’est pas au niveau pour les objectifs annoncés. Peut-être que le club s’est concentré sur des recrues trop importantes et que le groupe, du coup, manque d’homogénéité.
« La saison prochaine, je serai là mais… »
Aujourd’hui, malgré une saison difficile, vous êtes troisièmes. Quelles peuvent être vos ambitions ?
Noisy, c’est notre dernier match de la grosse série, avant un peu de repos. Le contexte est simple, on est troisième et eux quatrièmes : un point d’écart. On va s’arracher pour la victoire et créer l’écart. Au minimum, il faut rester troisième et si on peut passer devant Brest, pourquoi pas. Mais il faudra compter sur un faux pas des Bretonnes. Mais la troisième place, ce n’est pas négligeable, ça reste correct. Le championnat est très compact, le niveau a augmenté. On va essayer de finir le mieux possible avec ce groupe et ensuite on verra avec Philippe (Pineau, le Président : ndlr) pour reconstruire. Je serai là, mais pas comme coach. Je suis trop fatigué.
Cela n’est pas frustrant de devoir sauver les meubles à chaque fois ?
Oui. Je suis arrivé au club en 2011 pour travailler sur le secteur des jeunes : former les cannoises. Voilà deux fois que je me retrouve sur le banc de l’équipe première. La D2F c’est beaucoup de vidéos, de très longs voyages qui fatiguent beaucoup, on enchaîne les matchs. Je suis crevé… Aucune victoire ne procure autant de bien qu’une défaite autant de mal. Ce n’est pas un boulot pour moi. Mais je suis là pour aider le club. Quand tu perds avec les jeunes, ce n’est rien, c’est même parfois plus intéressant et formateur qu’une victoire. Avec l’équipe une, c’est terrible… Tout cela, je pense, c’est au dessus de mes moyens physiques.
(Crédit photo : AS Cannes Handball)
Voir plus d'articles de la même catégorie